After all Springville Disasters and amusement parks, une maison en indigestion
Bouche Elise
Le 29 mars 2023 Miet Warlop transforme l’austère salle Malraux en terrain de jeux dans lequel, ses acteurs amusent petits et grands. A travers une cascade de gags issus du cinéma muet, la plasticienne et performeuse belge aborde dans sa dernière création : After all Springville Disasters and amusement parks, la question de la surconsommation où les objets sont représentés comme esclaves de leur maître.
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| After all Springville Disasters and amusement parks au Théâtre de Barcelone |
Miet Warlop est une plasticienne belge, diplômée d’un Master en Arts Visuels à l’Académie Royale des Beaux-Arts de Gand. Lauréate de deux prix en 2004, elle lance sa première création : Huilend Hert. After all Springville Disasters and amusement parks fait suite à une de ses créations antérieures : Springville, parue en 2009 où elle donnait vie à des êtres mi-humains, mi-objets. Dans cette nouvelle mise en scène, Miet Warlop propose un plateau sur lequel est posé la silhouette d’une maison en carton. Une créature Mi-compteur électrique mi-humaine est collée sur le flanc de la construction. Une jeune fille table nappée d’un beau drap blanc tente de supporter la vaisselle que son maître dispose sur elle. A la fin de la pièce, le plateau est inondé de boudins aux couleurs de l’arc en ciel qui surgissent des entrailles de la maison.
La pièce débute par le maître, chassé avec les ordures par sa propre maison. La demeure semble vomir le surplus d’objets que son propriétaire a accumulé. L’homme retrouve contenance et décide de forcer le passage pour la pénétrer de nouveau et rentrer chez lui. C’est alors que ses objets prennent vie. Un carton hybridé avec les jambes d’un humain visite les alentours de la maison à l’aide de son nez rouleau. Agacé par la curiosité de son objet, le maître décide de le couper pour l’empêcher de le déranger. Quand celui-ci pense avoir réglé le problème, le carton attend son départ pour faire sortir des ruines de son précédent nez, un nouveau rouleau. A partir de ce moment-là les objets s’emparent de leurs libertés et se rencontrent. Un jogger géant voit les objets en vie et panique en glossolalies. Miet Warlop n’a pas besoin de paroles pour faire rire un public de tout âge, en s’inspirant des comiques de situations de Buster Keaton et Charlie Chaplin, la performeuse inscrit sa création dans la lignée des œuvres issues de la comédie du slapstick. Le compteur électrique hybride finit même par péter les plombs au sens strict du terme, le géant se fait découper par le propriétaire et le carton fait d’audacieuses avances au jogger. La violence est omniprésente dans la création, à l’encontre des personnages hybrides dans un premier temps, qui sont tyrannisés par leur propriétaire qui va jusqu’à scier le jogger dont il ne reste, à la fin de la pièce, que le pantalon. Le personnage despote ne semble pas supporter la prise d’indépendance de ses objets hybrides et tente, par tous les moyens, de les renvoyer à leur condition purement utilitaire. Les objets osent prendre vie quand leur propriétaire a le dos tourné ce qui crée des situations on ne peut plus burlesques et cartoonesques.
Miet Warlop aborde avec une précision d’orfèvre, la question de la surconsommation à travers le gag. La maison en indigestion est victime de la fièvre acheteuse de son propriétaire qui accumule des objets de façon excessive et maladive. Arrivé à son seuil de tolérance, la demeure recrache ce que son maître lui a fait ingurgiter. Le personnage est recouvert par des boudins qui surgissent de l’intérieur de sa maison, ce qui rappelle le célèbre film Cadet d’eau douce de 1928, où le personnage de Buster Keaton reçoit la façade de sa maison en pleine figure. On retrouve également dans dans After all Springville Disasters and amusement parks de nombreuses références au film La Maison démontable de 1920 où le personnage est victime d’une demeure défectueuse. Les inspirations cinématographiques sont omniprésentes dans la création de la plasticienne.
Derrière un humour grinçant et une mise en scène alliant matériels de récupération et mobiliers flambants neufs, Miet Warlop dresse le tableau inquiétant d’une société dysfonctionnante, vouée à la destruction, où les humains finissent par se faire engloutir par leur propre mode de vie.

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