After All Springville, un récit comique à double sens
Besse Romane
After All Springville, un spectacle sans mot, mis en scène par Miet Warlop permettant une double lecture.
Miet Warlop est une plasticienne belge. Depuis les années 2000, elle a décidé de se lancer dans la performance. Elle en est à sa septième créations dont un qui a participé au festival d’Avignon en 2022. En 2010, Miet Warlop crée le spectacle Springville et elle réactive pour Paris l’été sa pièce emblématique qui devient After All Springville en 2022.
Ce spectacle a été conçu par Miet Warlop de façon à ce qu’il y ait deux lectures possibles. Une lecture plus enfantine donnant un aspect très comique à la pièce sans aucune réflexion, ni interprétation et une lecture d’adulte en particulier, d’étudiant. En effet, dans ce spectacle, Miet Warlop tente de représenter sur scène le lendemain d’une “soirée bien arrosée dont on se réveille avec une sérieuse gueule de bois”, phrase dîtes par la metteuse en scène elle-même. Ainsi, le spectacle est catégorisé en tant que jeune public mais révèle en lui une lecture que les adultes accompagnant peuvent comprendre et avec lequel ils peuvent s’amuser selon leur vécu personnel.
Pour ce spectacle, la metteuse en scène est donc partie sur un spectacle sans parole. Les seuls bruitages que nous allons entendre au cours de la pièce sont ceux d’un homme gigantesque qui parlera en “charabia” ce qui fait que nous ne parviendrons jamais à comprendre ce qu’il veut dire. L’avantage de cette pièce c’est que, bien qu’il n’y ait pas de parole à proprement parler, il est totalement possible de la comprendre. A travers ce manque de mot, Miet Warlop joue sur l’action pour rendre ridicule les personnages tout en gardant dans l’optique que, lorsqu’un étudiant se réveille avec une gueule de bois, il émerge et les quelques minutes qui suivent ce réveil sont loin d’être claires. Dans un cas comme celui-là, rencontrer quelqu’un sans parvenir à le comprendre est une situation plus que plausible.
Les choix scéniques de Miet Warlop est un élément clé dans la compréhension des deux lectures du spectacle. Sur scène, il y a une grande maison en carton dont nous ne verrons jamais l’intérieur. Sur l’un de ses murs, il y a un premier personnage, présent depuis le début, qui se trouve être un compteur électrique avec des jambes. Cette première vision du spectacle permet au spectateur qui rentre de faire directement son choix, consciemment ou inconsciemment, sur laquelle des deux visions il va choisir. Soit il sera plutôt sur un questionnement de ce que font ces choses sur scène, soit tout simplement il se laissera guider par l’amusement que cela provoque. De ce fait, la mise en scène du départ permettra tout de suite au spectateur de se mettre dans l’ambiance.
Pour la deuxième lecture possible, il est tout à fait envisageable de comparer la maison en carton comme “la boîte de pandore”, nous révèle la metteuse en scène. Une boîte que nous ne voulons pas ouvrir sous peine d’y découvrir ce qu’on a oublié de la veille, d’où le fait que celle-ci restera fermée tout le long du spectacle.
La mise en scène va alors énormément changer au cours de la pièce. On part d’un décor plutôt simple à l’apparition, en fin de spectacle, d’un jeu gonflable sur scène, qui par ailleurs, se gonflera sous nos yeux, faisant éclater “la boîte de pandore”. Cette situation, qui amuse grand et petit révélera aussi le moment où les souvenirs reviennent et où tout éclate dans la tête, une sensation que l’on peut qualifier de feu d’artifice et qui est parfaitement bien représenté ici sur scène. Par ailleurs, tout comme la personne qui vivra cette explosion mentale, les personnages se font totalement submerger par ce jeu, situation qui amusera la majeure partie du public. Avant même l’apparition du grand jeu gonflable, des petites parties de celui-ci se gonflaient sur scène comme un avant goût comique et réfléchi de ce qui va arriver à nos personnages.
C’est au travers de cinq personnages que la metteuse en scène va nous faire découvrir son spectacle. Dans cette partie, il est plus intéressant de voir à quel point des personnages qui semblent absurdes au premier abord sont en fait des personnages très réfléchis et élaborés par la metteuse en scène. Trois d’entre eux ne seront que des personnages mi-humain mi-objet, représentant à la fois un aspect comique mais également témoignent des difficultés du retour à un fonctionnement normal des neurones après une nuit de folie.
Concernant ces trois personnages, nous avons, un compteur électrique qui sera présent du début jusqu’à la fin. Celui-ci enchaînera les “Gerbes d’étincelles” représentant l’envie de vomir au réveil et les neurones qui donnent l’impression d’éclater dans notre cerveau à cause de la gueule de bois. Nous avons également une table, qui fait écho à la soirée de la vieille. La tenue des jambes, habillé d’un bas noir scintillant avec des talons révèlent une tenue de soirée et le champagne qui sera ouvert avant d’être posé sur elle également. Comme troisième personnage hybride, nous avons un carton qui se balade avec un tuyau en carton qui ressort. Il lui servira un peu d'œil, rappelant la difficulté de la vision. Les trois premiers personnages permettent une vision à la fois comique et sont la représentation de ce qui peut se passer dans la tête d’une personne ayant subi une gueule de bois.
Les deux autres protagonistes de l’histoire sont, eux, humains. Nous sommes face en premier lieu à un homme, qui représente le lien entre le spectateur et la maison. C’est ce personnage qui effectue des entrées et des sorties constantes. Il interagit avec les autres personnages mais également avec le public. Au vue de ses interventions dans le spectacle, cet homme là représente celui de la veille. Il est dans la boîte de pandore, et malgré qu’il y soit expulsé, il cherchera toujours un moyen de rentrer de nouveau, comme si ça représentait pour lui une boite de nuit, un endroit d’amusement. En ce qui concerne le deuxième personnage, nous avons affaire à un géant. Cet homme qui représente celle d’un peureux complètement perdu va sans cesse se cogner partout et hurler à tout va en répétant des choses incompréhensibles. Encore une fois, il représente à la fois la figure de la voix qu’on ne comprend pas mais également, de la désorientation que l’on peut ressentir.
Ce spectacle est très intéressant par sa double lecture. Au-delà de la simple pièce comique et jeune public que nous montre Miet Warlop, il y a un vrai travail sur le mental, la représentation et l’imaginaire. Elle a réussi à mettre en scène ce que ressentent les personnes alcoolisées tout en permettant à des enfants de voir et d’apprécier son œuvre, cela permet de toucher un public extrêmement vaste, allant du jeune enfant aux personnes plus âgées, tous peuvent y voir un axe de lecture.
Commentaires
Enregistrer un commentaire