Backbone, au-delà de la gravité

 Angèle Devos 

 

Cette année la troupe Gravity & Other Myths, nous transporte dans un monde où les notions de relation, de confiance et de force priment sur la notion de gravité. Cette compagnie internationale circassienne est perfectionnée dans les acrobaties. Créée en Australie en 2009, la compagnie est composée de 26 acrobates, de musiciens et de techniciens.

 Pour ce 24 Janvier 2023, le Tandem de Douai ouvre ses portes à Backbone produit par 10 acrobates et 2 musiciens. Durant 1h20, les circassiens portent, lancent et enchaînent pyramides et acrobaties. Ils enchaînent ces mouvements jusqu'à atteindre leur limite. Constamment en équilibre, en maintien ou dans les airs, ils jouent sur le suspense et la suspension de leur corps en ignorant les lois de la gravité ; nous donnant ainsi des frissons et des émotions semblables aux leurs. Continuellement à la recherche de modernité et de technicité, leurs gestes, leurs mouvements, leurs placements sont calculés et précis comme une partition. Ils s’accordent entre eux par des “top” pour maintenir le rythme et la précision des lancers. Cependant, ils s'autorisent à l’intérieur même du spectacle des moments d’improvisation. Ces moments sont individuels et propres à chacun.

Backbon de Gravity & Other Myths - 2023

 

Mais Backbone est avant tout un collectif. Le spectacle est une création collective basée sur la confiance, les relations des êtres et des corps. Nous pouvons facilement remarquer que les artistes se font une confiance mutuelle et que chaque membre tient une place importante dans le spectacle. Les artistes sont les vertèbres de Backbone et la création en est la colonne vertébrale.

 

 

  Dans ce spectacle, le corps est à la fois l’artiste et le décor. Le plateau est nu ou du moins il le devient quelques minutes après le levé de rideau. En effet, lorsque le rideau se lève nous pouvons voir différents objets scéniques et matières qui seront utilisés tout au long du spectacle. Il y des pierres, des bâtons, des billes en caoutchouc, des seaux et un portant avec des vêtements. Rangé et ordonné par matière et par forme, parsemé par des corps et par un chevalier en armure,  Gravity & Other Myths nous donne déjà la couleur de la représentation. Simplement par ce levé de rideau, nous pouvons nous attendre à de la perfection et de la qualité en termes de technique acrobatique mais aussi à quelques folies en s’accordant un peu de liberté dans le contacte avec le public. Suite à ce tableau, les artistes rangent le plateau pour laisser place à une piste de pratique.

Les matières et objets scéniques présents dans le spectacle sont, pour les artistes, « une force individuelle et collective» et « un lien avec la terre ». Leur relation avec chaque objet scénique et matière est différente selon l’utilité que celui-ci apporte. Entre la pierre et le bâton par exemple, la force déployée ou l’équilibre utilisé n’est pas la même. Ainsi, chaque objet apporte sa propre préséance sur scène comme une continuité du corps des artistes. Ils amènent aussi une confrontation et une contrainte pour les circassiens. La pierre en est le meilleur exemple. Lourde et difforme, cette masse, non polie par l'Homme, à gardé sa forme et son poids naturel. La pierre est une source de défis pour les artistes. Soumise à la gravité, elle s'oppose aux acrobates qui paraissent léviter. Dans un des tableaux, une acrobate est portée par le reste du groupe. Elle marche et se déplace sur eux en tenant une pierre dans bras. La pierre fait alors office de bouée de sauvetage pour cette acrobate insoumise aux lois de la gravité. Parallèlement à la pierre, le bâton est un objet qui a été polie par l’homme. Long, fin et cilindrique il a besoin de la présence humaine pour se tenir debout. Beaucoup plus léger que la pierre, mais toujours soumis à la gravité,  le bâton est instable et les artistes cherchent l’équilibre de cet objet. Que se soit en support ou en équilibre le bâton est comme une continuité sur coprs.    

Contrairement aux corps, la lumière n'est pas soumise aux lois de la gravité. Les spectres lumineux traversent l'espace pour venir se loger jusqu'à nos yeux. Dans Backbone, la lumière est tout aussi importante que les objets. Selon les tableaux, elle peut délimiter un espace dans l’espace de pratique ou délimiter un espace dans l’espace à proprement parler. En effet, dans un des tableaux, un projecteur situé au centre en fond de scène, projette une lumière bleue qui transperce la verticalité des bâtons tenus en équilibre sur le front ou le menton des artistes. Créant ainsi un ciel qui s’étend jusqu’au-dessus des spectateurs.       La technicité de la lumière est précise et spectaculaire tout comme les acrobaties. Dans un autre tableau, la lumière délimite plusieurs espaces dont les rayons lumineux se croisent. Pour créer cette effet de laser, des projecteurs sont installés, côté cours et côté jardin au sol. Leur lumière est reflétée par des miroirs installés au-dessus de la piste de pratique. Ainsi, les vaisseaux lumineux se croisent formant un quadrillage sur les artistes. De même que la lumière est importante sur scène, elle l’est tout autant dans les gradins. Le spectacle commence sans noir publique. Le spectateur reste dans un espace tamisé trenforce le lien de complicité qui se crée entre les artistes et le public.

Backbone est un spectacle collectif. Cette création comporte des acrobates mais aussi des musiciens. Cette production est accompagnée d’une composition musicale originale jouée en live par un batteur et une violoniste. Les circassiens jouent, non seulement avec la musique mais aussi avec les musiciens. Ils font tous deux partie du spectacle.

Backbone est un spectacle collectif qui met en avant les relations de confiance et d’écoute. Dans cette création où les limites du corps sont testées par l’équilibre et la performence, les artistes défient la gravité par la force et la grâce de leurs mouvements. Ce cirque contemporain accompagné de musique et de lumière transmet la puissance des liens qui unissent les Hommes au-delà la gravité.