Baubo, de l'art de n'être pas mort, Un voyage dans le rêve via la musique- Ilona Davigny
Baubo, de l'art de n'être pas mort, Un voyage dans le rêve via la musique- Ilona Davigny
La musique dans une mise en scène permet beaucoup d’ouverture, simplement pour énoncer
l’entrée d’un personnage, évoquer une époque, renforcer une émotion, une mélodie qui peut
provenir de la scène grâce à des objets comme une radio, des coulisses, ou avec la présence
de l’orchestre ou de musicien sur scène, ainsi qu’avec le simple choix des instruments.
Jeanne Candel est une metteuse en scène et comédienne qui codirige avec S. Achache, Marion Bois et Elaine Méric : Le Théâtre de L'Aquarium, théâtre dédié à la création en lien avec l'enchevêtrement et la musique, thèmes qu'on retrouve donc dans ce spectacle de deux heures. Une création autour du rêve, de la passion, de la musique et de l'amour.
Cette pièce met en avant beaucoup de thèmes qui sont présentés avec le chant et la musique. Tout au long de la pièce, on reconnaîtra un certain manque de parole des personnages, en monologue ou entre eux, ils vont se laisser porter plusieurs fois par la musique qui va soit accompagner l’action et même lancer l’action.
Une femme arrive sur scène suivi d'un traducteur, mise en scène comme une rencontre avec l’artiste et pourtant, le spectacle a déjà commencé. Pendant trente minutes, l'artiste nous parle avec un traducteur qui semble avoir du mal à suivre, ce qu'on pense être de l'incompétence de la part de ce dernier, on découvre au final qu'elle parle d'une langue inventée depuis le début, qui permet aux gens de donner eux même le sens de ses paroles. Une langue inventée par elle et son amant, d'une après-midi de passion et de désir avec celui-ci sur la plage.
Elle finit son monologue sur « il me manque tellement » laissant sous-entendre la mort de ce dernier. Avant de partir soudainement, ainsi que le traducteur chacun de son côté.
Sur scène seul un drap noir accroché. Une femme habillée tout en noir arrive alors, elle nous raconte le mythe d'un instrument de musique ; celui de l'amour, fait de soie, cet instrument ne fait pas de bruit, et pourtant un amour assez puissant permet à celui-ci de faire vibrer l'air jusqu'à son bien aimé. Un jour, un homme essaye tant bien que mal d'utiliser cet artefact, mais malheureusement celui-ci reste muet face à sa requête. L’'homme se suicide dans le désespoir d'un amour rejeté, se noyant dans le lac. C’est cette quête pour l’instrument qui sera le fil conducteur du spectacle, plusieurs fois sur scène des musiciens ainsi qu’une chanteuse vont faire leurs apparitions, étouffant les autres personnages, interdisant toute communication, ou pour le créer au contraire.
Cette femme vêtue de noir, qui fait allusion à une prêtresse dans sa tenue se laisse tomber en arrière dans le drap noir, emportant celui-ci dans sa chute, ce drap la submerge, l'enterre presque, au final elle se noie dans ce drap se laissant mourir et disparaître et même à son tour se noyer à la recherche de cet instrument de l’amour.
Alors que des personnes viennent tirer ce drap hors de scène, cela laisse apparaître la scénographie dans son intégralité.
Le décor est ce qui peut ressembler à un salon ; un canapé, un lit, une table, des chaises, avec un mur en fond avec plusieurs posters accrochés dessus, et une fenêtre.
Sur scène deux actrices sont présentes sur scène. Une autre femme habillée tout en noir assise sur le canapé en train de manger. Une autre allongée sur le ventre, sur le lit, ne bougeant pas.
Un livreur tape à la porte avant d'ouvrir celle-ci, il entre avec un colis en main, appelant le nom de famille de la femme, celle-ci ne répondant pas. Il s'approche d'elle avant de se rendre compte qu'elle est morte.
La scène est jouée de façon ridicule ; les actions du livreur sont répétées de façon rapide, dans l’exagération avec un personnage qui a plus peur d’être témoin d’une scène de meurtre que d’une véritable peur de la mort, il agit de façon à ce que malgré la nouvelle morbide, le spectateur se retrouve à rire de la situation. L'homme se cogne contre les objets, tente d'effacer les traces de son passage, en frottant la femme avec son t-shirt par exemple.
La prêtresse ne fait rien pendant la scène, continuant à manger, on comprend qu'elle est invisible aux yeux des personnages sur scène, et qu'elle ne peut intervenir.
Celui-ci finit par partir en panique, laissant le colis derrière lui.
Une fois la porte fermée, la prêtresse réveille la femme allongée, celle-ci se réveille comme si de rien n'était, prenant un café et ouvrant le colis.
On découvre alors le contenu de celui-ci : un harpon, arme avec laquelle la femme va vouloir mettre fin à ses jours,elle le place sous sa gorge mais hésitant à tirer … Ce qu'elle ne fait pas au final.
La prêtresse ouvre la porte, laissant entrer sept personnes, habillées de la même façon, chacune avec un instrument à la main. Un opéra se joue alors, la femme qui tente désespéramment de parler par-dessus la musique, faisant arrêter les musiciens plusieurs fois.
Elle raconte alors quand elle a rencontré cet homme, qui semble faire partie des prêtres présents, dans un restaurant chinois, le grand amour et du jour au lendemain il est parti sans nouvelle. La musique reprend alors, le chant aussi, deux prêtresses laissent leurs instruments pour déshabiller la femme et la laver au niveau du bas du buste et de l'emporter avec elles.
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On sent que la pièce tente de nous perdre dans une histoire sans queue ni tête. Le salon se transforme alors en radio, deux femmes parlant de Spinoza ainsi que de sa philosophie. Un homme enroulé dans un tapis emporté par les prêtresses, l'apparition d'une femme en armure avec une poêle et une pelle, ainsi qu'un œuf, des livres, un sac à dos remplis de terre.
Cette même femme s'adresse directement au public, disant qu'elle va résumer la fin de la pièce. Elle fait référence au mythe de Déméter, reliant ce mythe avec la pièce.
La pièce s’accélère alors soudainement, comme des images les unes après les autres, des femmes qui se frottent le postérieur contre le mur, pour faire apparaître un dessin sur le mur, qui s'accroche au mur à l'aide d'une agrafeuse, elle s'accroche les vêtements, mais aussi avec du papier, enfermant la victime dans celui-ci. Bloquant leurs mouvements, mais aussi la vue suscitant l'immobilisation du corps et de l'utilisation de celui-ci.
Comme un rêve qui ne s'arrête jamais, on abandonne alors l'idée de cohérence, et on se lance juste emporter par les différentes histoires, images que le spectacle tente de nous donner, avec plus ou moins de mal.
On a alors l'impression qu'il ne veut rien dire, ou rien nous apprendre, nous donnant quelques indices sans pourtant l'expliquer de manière claire. A la fin, on se demande s’il y a un fil conducteur. Une pièce avec très peu de dialogue, la musique est omniprésente ne laissant pas place à la parole, les gestes sont parfois exagérés, pour susciter le rire chez le spectateur, mais aussi devant les scènes extravagantes, parfois sortie de nul part.
Comme j’ai mentionné dans la description du spectacle, le visuel prend une grande importance dans le déroulé du spectacle, avec une absence de dialogue et l’omniprésence de la musique, ainsi que du chant d’opéra. La musique empêche le dialogue, elle tente de recouvrir les personnages, les suffocants sous les notes, .
Comme un instrument d’amour qui tente de se faire entendre qu’on essaye de faire fonctionner encore et encore. Un spectacle qu’on peut comparer avec Pelléas et Mélisande qui était aussi au Tandem le 7 février 2023 à 20h30. Une œuvre tournée autour de la musique d’orchestre, du chant lyrique, mais aussi des thèmes comme la cruauté, la mort, l’amour.
Deux spectacles avec des thématiques similaires ainsi que le procédé de mettre en avant un orchestre pour accompagner l’action, un orchestre qui dans les deux pièces est présent sur scène, comme au final un personnage a part entière, présent et important dans le déroulé de celui-ci.
Et qui finalement laisse la liberté au spectateur de spéculer sur son identité, un orchestre qui représente la mort, l’amour, le rêve, tout aussi bien qu’un être vivant sur scène, un choix infini est donc présenté aux spectateurs, autant sur ce que la pièce nous inspire, nous raconte que sur la véritable identité des personnages qui au final n’est jamais vraiment dévoilé, et ce tout le long de la pièce.
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