Madrigals, une fusion chorale des sens • Burlet Solène

 



Un chaos sonore.

 

Une interprétation du bigbang.


Un silence.


Autour d’un feu, huit interprètes dénudés se réapproprient les chants d’amour et de guerre, Madrigali guerrieri et amorosi, de Claudio Monteverdi.


Derrière un rideau fissuré se laisse entrevoir un monde vierge et nouveau, teinté de luminescence mais également d'obscurité. D'un grondement intense s'échappe la finesse de la musique de Monteverdi, celle-ci est d'abord chantée autour d'un feu, feu symbolisant le commencement de l'humanité, puis ensuite dans l'enceinte naturelle et quasiment magique que crée une grotte. Cette grotte est par ailleurs représentée grâce au moyens les plus ancestraux du théâtre, comme finalement pour créer le parallèle avec la fable même de la pièce. En effet, cette "grotte" et en réalité consistuer de toiles peintes qui descendent des cintres de part et d'autres.


Benjamin Abel Meirhaeghe invite les spectateurs à partager une expérience à la fois émotionnelle et mais aussi sensorielle où l'on se questionne sur le commencement d'une civilisation, et sur l'exaltation d'un onirisme primitif qui nous enchante et fascine, nous emerveille.


Un artiste complet et singulier, voilà les deux qualificatifs qui définissent merveilleusement Benjamin Abel Meirhaeghe. Avant tout perforateur et contre-ténor, il ose s'affirmer, alors qu'il n'a pas encore atteint sa trentaine, à travers un univers tout à fait personnel où l'on retrouve un véritable foisonnement de différents langages artistiques que l'artiste affectionne tout particulièrement, c'est avant tout un amoureux des arts, comme par exemple l'opéra, le théâtre, la poésie mais encore la musique et la danse. Il crée donc ici un spectacle recouvrant de vastes horizons, les différents arts s'y mélangeant, un réel dialogue entre tous ces savoir-faire d'une technicité irréprochable s'impose désormais à nous.


Pour Benjamin Abel Meirhaeghe, le théâtre est un art qui devient un carrefour dans le temps : une machine à remonter le temps au milieu du présent où passés et futurs lointains, c'est une véritable genèse et une utopie qui se tiennent devant nous, tout cela vient se confondre avec un récit radicalement nouveau. C'est également le lieu d'une communauté débordante d'unicité ainsi que de talent dans laquelle les dogmes conservateurs et les stigmates cèdent la place à la sexualité et à la libération.


Ce jeune artiste Flamand que le l'on pourrait quasiment qualifier de précoce, cet artiste créer des spectacle à l'effigie de son monde intérieur : des spectacles hybrides, à la croisée de tous arts confondus mais aussi hors du temps.

D'après sont spectacles Madrigals, adaptation de Monteverdi, Benjamin Abel Meirhaeghe nous propose ainsi un réel retour aux sources de l'humanité toute entière, de l'esprit du monde et de ses différentes communautés ; un big-Bang fascinant de beauté .


Le spectacle Madrigals s'inspire en effet du huitième et aussi dernier livre Des Madrigaux de l'italien Claudio Monteverdi. Le madrigal est une forme ancienne de musique vocale qui s'est développée au cours de la Renaissance et au début de la période baroque, ils sont essentiellement composés d'une forme polyphonique vocale.

Ce huitième madrigal a donc pour nom chant d'amour et de guerre ; c'est une partition sonore à la fois sensuelle et plaintive que nous revisite notre jeune artiste, mais toutefois en ne dénaturant jamais l'original. Au contraire, il se l'accapare, s'imprègne de ce chant. C'est désormais d'un œil nouveau que les madrigaux de Monteverdi voient le jour sur scène, aujourd'hui jouer sur des airs de musique electro pop expérimental par le compositeur Jesse Kanda qui est notamment connu pour sa collaboration avec la chanteuse Björk.


C'est ici un récit aussi utopique que radicale qui s'opère sur la scène, autour d'un feu rappelant le tout début de l'humanité peupler de ses chasseurs-cuillère des, huit interprètes tous dénudé se réapproprient chacun les chants d'amour et de guerre de compositeur italien Claudio Monteverdi. La salle toute entière se transforme alors en un monde, une communauté affranchie de tous ses dogmes, de ses préceptes, ses théories et vérités établies pourtant. Par ailleurs, ils sont de tous horizons différents, seulement deux d'entre eux sont chanteurs de formations, et pourtant, la puissance émanant de leurs organes vocaux procure des frissons et vibrations parcourant chaque parcelle de notre corps. Cette communauté artistique nouvelle présenter devant nos yeux ancre la musique au cœur de la civilisation au point zéro, à l'origine de tout commencement sociétal, et l'amène petit à petit vers de nouveaux types de virtuosités. C'est un élan de libération, une réelle délivrance et un affranchissement depuis l'antre même de l'humanité. C'est un saisissant souffle de liberté qui s'offre à nous.


C'est ainsi que naît la poésie dans Madrigals de Meirhaeghe, il transforme ici ces œuvres vocales claires et puissantes sur la guerre et l'amour en un cri épris de liberté nourrit par la passion et l'unicité d'un esprit commun et combatif. Cela peut faire rappeler l'antiquité et les temps anciens, tant il crée ici une orgie décomplexée de tout, avec en son sein une fusion des frontières avec l'aspect humain et l'aspect divin, céleste, sublime et suprême. 


La pièce paraît de prime abord d'inspiration assez New Age, soit d'une approche individuelle et éclectique de la spiritualité cependant, elle sonne une sorte de célébration et l'union des corps. Ils sont huits sur scène, six danseurs et deux interprètes qui évolue sur le praticable dans une nudité physique que l'on pourrait décrire de primal tant cela correspond au propos même de la pièce. Ils sont comme renvoyer à l'état d'homme naturel et ils doivent donc s'apprivoiser entre eux et apprivoiser les lieux, le fait de vivre ensemble, en communauté, en groupe relevant d'une seule et même unicité prenant place lors dans harmonieux et fascinant rituel originel. C'est donc au travers d'une danse, quasiment comparable à une transe qui évoluent sur les lieux, une gestuelle entrecoupée de geste des plus élémentaires et rudimentaires et fondamentaux de l'homme telle que la marche, le saut, la course mais aussi le doux et sensible rapprochement des étreintes, tantôt de franches accolades. Beignet de sensibilité mais parfois aussi de fougue et de sauvagerie, tout ici rappelle l'humain que nous sommes.

Dans une candeur presque enfantine, les corps se chamaillent, s’enlacent et engagent des danses libres portées par les mélodies classiques ou les sons électro.

Ici, l’hétérogénéité des corps, présentés dans leur entièreté, arrête le regard par les rougeurs de la peau, les plis non canoniques des chairs mais aussi la présence encore trop rare d’une pilosité naturelle. 

C'est avant tout la fluidité d’une accolade collective qui nous est retranscrite, jusqu’à l’ultime fusion en chorale des voix, des corps et des cœurs.


Dans toute la salle, l'atmosphère est ensorcelante, onirique, utopique. On se laisse porter par les chants madrigaux revisités par les comédiens. Aussi, les corps ne sont jamais stoïques, ils sont toujours en mouvement, lent puis frénétique, lourd puis gracieux, parfois d'une douceur venant nous effleurer. Cette gestuelle emprunte beaucoup de mouvements primitifs mais chorégraphiés de manière à former une danse, parfois même une sorte de transe, entre la croisée de l'acrobatie circassienne.


Ensuite, grâce à leurs voix primitives, les huit comédiens viennent comme nous compter chacun leur tour leur onirisme, leurs histoires de guerre et d'amour ; c'est un chant pluriel qui nous donne à voir sur scène.

Également, c'est un spectacle des plus immersif notamment par un point qui y participe grandement : l'effet sonore. En effet, l'atmosphère sonore à la fois électro puis classique, pour créer une sorte de contrepoids ; la musique jouée sur scène en direct, cela parvient à rendre la pièce encore plus vivante qu'elle ne l'est déjà. Madrigals signe cette fois la rencontre entre les beats électro de Jesse Kanda, musicien et créateur d’animation, et les madrigaux baroques de Monteverdi.

Le support vidéo n'est pas laisser de côté lui aussi, par une mise en abyme vertigineuse, une projection vidéo rejoue la vision d’un utilisateur Youtube égaré dans les méandres du porn web, réactualisant les fresques de Lascaux à l’aune des expressions humaines les plus contemporaines.


Ici, l'artiste qui a bien de nombreuses facettes, nous fait preuve d'une mise en scène radicale et organique, il s’affirme presque comme le porte-parole d’une nouvelle génération, pour qui les émotions passent par les corps et les sons plutôt que par les mots.



  • Burlet Solène 

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