Un besoin de liberté pour les Mauvaises Filles de Sandrine Lanno
Un besoin de liberté pour les Mauvaises Filles de Sandrine Lanno
Auriane Brière
Libération, évasion et vérité sont les maîtres mots de la représentation dramatique qui a eu lieu en février 2023 à la Comédie de Béthune.
Mauvaises Filles ! est une pièce de théâtre mise en scène par Sandrine Lanno qui met en exergue la lutte de jeunes filles contre la maltraitance et leur recherche de liberté par l’élaboration d’un plan de fuite.
Sandrine Lanno base une partie de son travail sur les femmes et leur place dans la société. Son premier film documentaire, 5 FEMMES, est d’ailleurs consacré aux attentes de femmes incarcérées pour de longues peines. Les femmes, la prison et les centres de réadaptation sont au centre de son œuvre en général.
Un possible parallèle est à faire entre l’article « Le théâtre brésilien est une femme brésilienne », de la revue Alternatives théâtrales, et la pièce Mauvaises Filles !
Le premier nous présente quatre autrices-actrices qui témoignent de leur condition d’artistes dans le secteur du théâtre brésilien. Elles nous offrent dans cet article un bref portrait de leurs parcours. De la même manière, l’œuvre de Sandrine Lanno nous propose le témoignage de jeunes filles sur leur passé, leur histoire et leur vie.
Mauvaises Filles ! retrace l’histoire de trois jeunes filles : Kaïna, 13 ans, Billie, 15 ans, et Annette, 16 ans. L’année même à laquelle se déroule la pièce n’est pas précisée. Nous suivons l’histoire et la vie, des années 50 à aujourd’hui, des filles incarcérées dans un centre de détention pour mineurs. Au fur et à mesure que le temps passe, les trois personnages nous racontent leurs conditions de vie misérables dans le centre de détention pour mineurs dans lequel elles sont toutes les trois incarcérées. Dans leur récit, elles expliquent comment et pourquoi elles en sont arrivées là. Elles nous donnent des informations sur la manière dont les religieuses qui tiennent cet endroit les traitent.
La pièce s’ouvre et se referme sur la même idée, celle de la fuite. Au commencement de l’histoire, les personnages ne se sont pas encore présentés mais elles nous annoncent déjà qu’elles veulent s’échapper de l’endroit dans lequel elles sont. De la même manière, les mots qui clôturent l’œuvre sont prononcés par Annette qui affirme savoir comment s’enfuir.
Il n’y a que trois comédiennes sur scène. Cependant, elles jouent chacune différents rôles. Elles font les questions et les réponses. Elles incarnent des personnages qui parlent mais ne sont pas présents sur le plateau.
La scénographie de cette représentation est épurée. Il n’y a que deux éléments frappants sur le plateau. Le premier est un espace de deux mètres sur deux représentant une chambre qui comprend un lit et une chaise. Cet espace est délimité par des murs et une porte en grillage ainsi qu’un mur coulissant en ardoise. Le second est un simple banc.
Ces deux éléments sont littéralement à l’opposé l’un de l’autre. Le banc étant côté cour et la chambre côté jardin. Cette scénographie oppose plus subtilement l’idée d’emprisonnement (avec l’espace grillagé) et celle de la liberté (avec le banc en espace ouvert).
Le son et la lumière ont tous les deux un rôle important dans Mauvaises Filles ! Leurs présences et absences sont significatives.
En ce qui concerne le sonore, c’est surtout la musique qui s’impose. À différents instants de la pièce, une mélodie jouée au violon s’immisce. Principalement lors des moments calmes ou de révélations d’informations importantes sur l’histoire des jeunes filles. D’un autre côté, peu avant la fin, la douceur du violon est remplacée par une forte musique électronique que l’on pourrait apparenter à celle diffusée dans les boîtes de nuit de nos jours.
Cette forte interruption est par ailleurs accompagnée d’un brusque changement d’éclairage. Une lumière stroboscopique vient déstabiliser le spectateur qui était jusque-là habitué à un simple éclairage d’ambiance. En effet, la lumière envahit tout l’espace de jeu pendant la majorité de la représentation. Elle est, par moment, coupée par des noirs. La seule scène qui ne correspond pas à cette description, c’est la première. Les premières minutes de jeu. Effectivement, au début, les filles sont à l’origine de la lumière. Elles éclairent au moyen de lampes torches ce qu’elles voient et décident par la même occasion ce que va voir le public.
En d’autres termes, que ce soit au niveau des paroles, de la lumière ou du son, une grande différence oppose le commencement à l’aboutissement et met en avant le besoin de liberté pour ces Mauvaises Filles.
La pièce est intéressante à voir. Elle met en avant des thèmes importants comme la liberté et l’émancipation des femmes, ainsi que la manière dont elles sont traitées, peu importe l’époque. Elle traite aussi de leur accusation vis-à-vis d’une société qui ne réagit pas à cette situation. L’intrigue est un peu longue à se développer et les histoires complexes à suivre. Mais il est difficile de ne pas se prendre de pitié pour ces personnages qui sont injustement persécutées.
Dans son spectacle, Sandrine Lanno met les femmes à l’honneur : trois rôles, trois actrices.
Cela en est de même en ce qui concerne la programmation dans les salles de spectacles. Sur la saison 2022-2023, 19 pièces de théâtre sont jouées au Tandem (Arras et Douai). Sur ces 19 représentations, 9 ont été mises en scène par des femmes, autrement dit, la moitié.
En conclusion, la place occupée par les femmes dans le domaine artistique ne cesse de se développer, et ce n’est pas que de la fiction.

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